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6 septembre 2014 6 06 /09 /septembre /2014 17:29

Pst ! Pst ! Min roux !

D’où qu’on m »’appelle ? Fit l’un des nôtres qui avait les cheveux tirant sur la carotte.

Je ne sais, mais … Ah ! tiens, regarde, Tutur, ces joyeuses jeunes filles à leur croisées, elles respirent l’air frais de la rivière.

Ecoute donc, elles chantent :

Pleurons du soir au matin, Cette créature, qui livres du destin,

Faisait sa pâture ; son bec est clos à jamais…

Qui nous dira désormais, la bonne aventure, hélas ! la bonne aventure.

Elles chantent, mais elles travaillent, dit Tutur ; elles repassent leur linge en cadence.

Pas du tout, elles crient après nous … Tiens, écoute, et retiens bien ceci :

Ces filles ne sont fortes que quand elles sont ensembles, si par hasard on en rencontre une à l’écart, elle se sauvera, rougira de vos propos plus ou moins badins et …

Allons ! allons ! Min roux, en route, pour les îles de la Mer Noirte, trente six lieues au-dessus de la lune.

Eh ! Là bas, les Péqueux, grâce à vos lines ?

Les pêcheurs obéirent, ôtèrent leurs lignes hors de l’eau, mais il y en eu un qui prit un air de mauvaise humeur, car dit-il : il y avait pinche.

Fais pas tant d’esbroufes, vas ! Dit Tutur, pour prendre quelques roches, quelques gougeons et des épénocs, t’as toujours l’temps.

Et nous continuâmes notre voyage.

A des blanchisseries succédèrent de vastes prairies, où la couleur de l’herbe se faisait jour à grand peine à travers le fil étendu, et qui offraient à l’œil l’image d’une vaste toile blanche dans un cadre vert. Ici, le canal s’élargit encore et nous eûmes devant nous un pont sur lequel pas mal de voitures et de piétons cheminaient : c’était le pont de l’Arbonnoise.

Terre ! Terre !

Pourquoi ces cris ? Serions-nous arrivés au port ? Non, mais nous sommes au cabaret de l’Arbonnoise. Nous allons relâcher dans ses belles gloriettes remplies en été de joyeux buveurs, c’est là que nous allons prendre un petit confortatif.

Le terrain, en cet endroit, forme à son extrémité un angle sur la pointe duquel l’Arbonnoise se partage, c’est là que la rivière généreuse épanche une partie de ses belles eaux dans le canal de Vauban, pour alimenter les fossés de la Digue et ceux de la porte de Béthune ; mais avant d’arriver là, on rencontre d’innombrables blanchisseries auxquelles elle prête ses eaux si pures et si savonneuses.

Var vos manchettes si bien empesées, vos collets si blancs et tout ce linge dont vous annotez la rentrée avec une si scrupuleuse exactitude, belles Dames, c’est l’Arbonnoise qui a lavé tout cela, c’est la jolie, c’est la pittoresque Arbonnoise !

Depuis un certain nombre d’années, ces eaux si tranquilles sont sillonnées par une quantité de barquettes portant de joyeux Lillois qui exploitant ces charmants endroits, où des pêcheurs au chapeau où à la casquette viennent explorer la rive au grand désespoir des propriétaires riverains, et de fanatiques de la pêche à la ligne et au carré, qui obtiennent la permission de passer là des journées entières, sous la recommandation expresse de respecter les plates-bandes et l’herbe des prairies.

Anciennement, ces allées et venues n’avaient lieu qu’une fois l’année, à la fête des blanchisseurs, c’étaient alors de grands bateaux chargés de tout le personnel féminin des blanchisseries.

Après avoir consommé un nombre assez notable de canettes et de portions de jambon, biloqué pas mal de pipes, nous reprîmes le chemin de notre retour, ce chemin vous est déjà connu… Je vous dirai seulement que nous arrivâmes assez à temps pour rassurer la maîtresse de l’établissement des bateaux, qui commençait à concevoir quelque inquiétude de notre longue absence…

Louis VERMESSE 1855

une partie de l'Arbonnoise

une partie de l'Arbonnoise

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