LILLE EN 1858
C’est en effet sur 714 hectares que vit, habite, travaille une population qui, de 52 324 habitants en 1800, est passée à 64 201 en 1820, 72 537 en 1841, et avoisinera les 80 000 âmes à la veille de l’agrandissement. Population inégalement répartie : en 1837, le canton du centre – le plus peuplé, tout comme autrefois – rassemble 19 036 âmes ; les deux cantons de l’ouest – les plus aérés, les moins ouvriers comptent ensemble 19 275 habitants, tandis que les deux cantons de l’est (Saint-Maurice, Saint-Sauveur) les plus ouvriers, les plus denses – groupent 30 762 habitants.
A part les jardins fermés des hôtels aristocratiques et des communautés, en majorité sur Saint-André et Sainte-Madeleine ; à part les arbres bordant la promenade des remparts et ceux de l’Esplanade : pas d’espaces verts.
Des courettes ou « rues à sacq », une centaine ont survécu aux aléas de l’histoire. Saint-Sauveur est le ghetto de toujours malgré le percement, entre 1835 et 1838, de la rue Wicar : y vit, dans des conditions d’insalubrité tragique, une population attachante mais qui mettra de longues années à franchir le seuil du sous-prolétariat.
Ville humide, marquée par le climat océanique et parcourue par un lacis de canaux qui, de temps immémorial, servent à l’industrie et qui, mal curés, altèrent l’atmosphère. Ville sur laquelle vas s’épaissir le manteau de « noirets » tissé par les manufactures où la machine à vapeur a été installée.
Ville dont les voyageurs disent cependant le charme qui tient moins à ses monuments, elle n’en a guère, qu’au mélange du pittoresque militaire (7 portes, 5 casernes, 4000 hommes) et de l’activité commerciale.
Tous sont frappés par l’animation des rues : chariots transportant les produits de l’industrie, chevaux des militaires et des bourgeois, fiacres, vinaigrettes tirées par le « ch’val chrétien » et poussées par un « pouss’cu » chiens de trait qui, deux par deux, transportent les razières de charbon et aussi les livraisons des bouchers et des laitiers. Sans oublier les « petits tonniaux » de vidange traînés par les bernatiers, ni les bestiaux de la trentaine de petites fermes que Lille renferme encore vers 1850.
Cris de la rue et de ses marchands ambulants, appels des cochers, claquement des fouets, plainte lointaine des clairons, éclat du cuivre battu par le crieur des rues. « Et dès l’aurore on est réveillé par le bruit des moulins à vent et de leurs marteaux ; à ce bruit qui vient du dehors se mêle celui des machines du dedans.. » (F Grille).