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d'après P. Pierrard
Et les innombrables concerts dont retentit, cent années durant, le ciel du Nord, souvent pommelé, souvent couvert et dont la douceur triste appelle naturellement, en contrepartie, l’éclat des cuivres et des bois. Concerts de chambre donnés par des amateurs et dont raffole la bourgeoisie locale chez laquelle le piano à queue ou la harpe sont des éléments constitutifs du mobilier.
Concerts des grandes associations tels que l’Association Lilloise (1849-1856) qui donne cent quarante sept concerts en sept ans ou ce Cercle du Nord qui, le samedi 15 novembre 1851, inaugure, au milieu d’un luxe inouï, sa salle de concerts en faisant exécuter la 6° symphonie de Beethoven : inauguration quelque peu ratée, les cors se révélant médiocres et les dames ayant arboré des toilettes qui sentaient leur messe de midi.
Il est vrai, dit le chroniqueur, que les femmes voulaient « reconnaître le champ de bataille avant de choisir leurs armes ».
Concerts donnés, dans les théâtres ou les salles de concerts, par les grandes formations orchestrales : la Société de musique de Lille de Maurice Maquet qui, en 1900, dirige trois cents exécutants ; la Société philharmonique de Douai, dont les concerts annuels du lundi d’Gayant, lors de la fête communal, ont porté loin sa réputation ; la Grande Harmonie de Roubaix, fondée en 1820, dont les chefs de pupitres et les musiciens sont passés par le conservatoire de la ville ou y enseignent.
Concert des kiosques, les soirs d’été ou le dimanche ; concerts donnés par les pompiers, dans la cour de leur caserne ; concerts militaires avant la retraite du soir ; concerts du Casino de Dunkerque ou de Boulogne. Et Puis musiques des bastringues et des brasseries de l’Alcazar ou des Variétés, où déjà apparaissent, à côté du piano mécanique, les accordéonistes qui sont souvent des ouvris d’fabrique épatant le public parce qu’ils jouent sans cahier d’musique.
Accordéon nostalgique qui, peu à peu, fait oublier l’orgue de Barbarie qui, par tous les temps, annonçait l’arrivée du dimanche en jouant la Valse des Adieux ou le Misere du Trouvère.
Oh ! bien sûr, le public du Nord aime la musique « solide », celle du répertoire. Un Albert Roussel, pourtant Tourquennois, n’aurait que peu de chance, par sa fluide musique parente de l’écriture de Debussy, de le charmer.
Des milliers de cœurs ont battu, des milliers d’yeux se sont mouillés par la grâce des Proscrits de Gevaert, de l’Aurore de Clément, de la Dame blanche de Boieldieu, de la Martha de Flotow, des Mémoires d’un papillon de Reimbault, des Francs-juges de Berlioz,. Sans oublier les mosaÏques et fantaisies tirées du Trouvère, de Lucie de Lammermoor, de Zampa ou de l’inévitable Poète et Paysan…
Aux instruments – qui coûtent cher et dont l’emploi suppose formation et loisirs – le peuple préfère la chanson, l’canchon.
On chante partout et en toutes occasions. On chante à la maison, au cabaret, dans les chorales laïques ou religieuses, dans les sociétés bachiques. On chante en mangeant, en buvant, en se promenant, en travaillant :
I faut passer din l’rue des Longues’Haies :
Au long d’un jour vous intindrez t’chanter.
(Jules Vaillant, 1866)