La gare en 1898
Par son bruit, son mouvement, sa diversité, une grande gare est une des choses les plus curieuses à observer. Il n'y a pas bien longtemps qu'il existait encore dans nos campagnes de ces gens du temps passé qui n'avaient jamais voulu ou osé mettre le pied sur la marche d'un wagon. S'ils avaient été transportés tout à coup sur les quais intérieurs de la gare de Lille, au milieu des trains qui se croisent en tous sens, les uns ébranlant avec lenteur leur lourde masse, les autres arrivant à toute vitesse, en mugissant, sous un nuage de blanche vapeur et stoppant à deux mètres de la rampe, éblouis par ces lumières étincelantes et les feux changeants de ces multiples signaux, étourdis par cet immense brouhaha que percent les cris stridents des sifflets de locomotive, perdus dans le flot mouvant de cette foule qui passe et repasse, ils se seraient crus transportés dans un autre monde. Une gare, avec ses services de toutes sortes centralise pour ainsi dire le progrès de l'esprit humain, ses triomphes sur la matière, et en offre, à l'observateur attentif, le résumé le plus complet.
Il serait intéressant de peindre le côté physionomique de notre grande gare. Un conteur humoristique pourrait nous faire faire un voyage d'agrément à travers la grande salle des pas-perdus, les salles d'attente, les quais d'arrivée, le buffet et le hall de sortie avec un nombre infini de stations amusantes. Il nous montrerait ces rentiers qui prennent la gare, principalement l'hiver, comme leur but de promenade et viennent pour s'y rencontrer, pour causer, pour regarder le tableau humain qui s'y déroule. Il nous aiderait à reconnaître les désoeuvrés qui s'installent sur les canapés des salles d'attente, vagabonds sans gîte ou petites vieilles gens qui sont la gazette de leur quartier et forment ensemble le grand journal de toute la ville.
Il dénoncerait les pickpockets, démasquerait les élégantes qui se mêlent à la foule de ceux qui attendent un parent on un ami à sa descente du train. Mais il sera plus facile pour nous de faire connaître à nos lecteurs la vie intérieure de la gare. Ils y trouveront quelques détails qui pourront les intéresser.
Les gares de France qui délivrent le Plus de billets sont :
1- la gare de Saint-Lazare (Ouest) à Paris,
2- la gare de Vincennes,
3- la gare du Nord à Paris,
4- la gare de l'Est à Paris, et enfin la gare de Lille et celle de Lyon (P.-L-M.) à Paris arrivent ensemble en cinquième lieu. En tous cas la gare de Lille est celle qui a la plus grand trafic de toutes les gares de province.
En 1881, 1 231 888 billets ont été délivrés, produisant une somme de 3 626 000 francs. En 1896, les billets distribués atteignent le chiffre de 2 165 677 et les recettes de ce chef 4 762,000 F. Mais cette dernière somme ne comprend pas, le produit des abonnements ni du transport des bagages et messageries. En 1896, la recette totale, y compris les 10 % d'impôt, était de 5 861 000 F; les relevés pour 1897 ne sont pas terminés, mais on peut affirmer que la somme dépasse six millions.
à suivre